statusofillegallyobtainedevidence

Opinion on the status of illegally obtained evidence in criminal procedures in the Member States of the European Union.

French text of the document - for translation see http://haraldurs.googlepages.com/statusofillegallyobtainedevidence2

RÉSEAU U.E. D’EXPERTS INDÉPENDANTS EN MATIÈRE DE DROITS FONDAMENTAUX

 

30 novembre 2003

Reference: CFR-CDF.opinion3-2003

Le Réseau U.E. d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux a été créé par la Commission européenne

à la demande du Parlement européen. Il assure le suivi de la situation des droits fondamentaux dans les États

membres et dans l’Union, sur la base de la Charte des droits fondamentaux. Le Réseau présente des rapports sur la

situation des droits fondamentaux dans les États membres et dans l’Union, ainsi que des avis sur des questions

ponctuelles liées à la protection des droits fondamentaux dans l’Union. Le contenu de l'avis n'engage en aucune

manière la Commission européenne. La Commission n'assume aucune responsabilité quant aux informations que

contient le présent document.

Le

Réseau UE d’Experts indépendants en matière de droits fondamentaux a été mis sur

pied par la Commission européenne (DG Justice et affaires intérieures), à la demande du

Parlement européen. Depuis 2002, il assure le suivi de la situation des droits fondamentaux

dans les Etats membres et dans l’Union, sur la base de la Charte des droits fondamentaux de

l’Union européenne.

Le Réseau UE d’Experts indépendants en matière de droits fondamentaux se compose de

Elvira Baltutyte (Lithuanie), Florence Benoît-Rohmer (France), Martin Buzinger (Rép.

slovaque), Achilleas Demetriades (Chypre), Olivier De Schutter (Belgique), Maja Eriksson

(Suède), Teresa Freixes (Espagne), Gabor Halmai (Hongrie), Wolfgang Heyde (Allemagne),

Morten Kjaerum (Danemark), Henri Labayle (France), M. Rick Lawson (Pays-Bas), Lauri

Malksoo (Estonie), Arne Mavcic (Slovénie), Vital Moreira (Portugal), Jeremy McBride

(Royaume-Uni), Bruno Nascimbene (Italie), Manfred Nowak (Autriche), Marek Antoni

Nowicki (Pologne), Donncha O’Connell (Irlande), Ian Refalo (Malte), Martin Scheinin

(suppléant Tuomas Ojanen) (Finlande), Linos Alexandre Sicilianos (Grèce), Dean Spielmann

(Luxembourg), Pavel Sturma (Rép. tchèque), Ineta Ziemele (Lettonie). Le Réseau est

coordonné par O. De Schutter.

Les documents du Réseau peuvent être consultés via :

http://www.europa.eu.int/comm/justice_home/cfr_cdf/index_fr.htm

Belgique.............................................................................................................................................10

L’utilisation dans le cadre de poursuites pénales de la preuve illégalement recueillie..................................10

La preuve illégalement recueillie par une personne privée ............................................................................11

 

France................................................................................................................................................15

Grèce .................................................................................................................................................16

Régime juridique des preuves recueillies en violation des règles relatives à la protection de la vie privée..16

Prise compte des preuves recueillies par le moyen d'actes punissables par la loi pour la déclaration de

culpabilité .......................................................................................................................................................17

Les atteintes à la vie privée commises par les personnes privées ..................................................................17

L'irrecevabilité des preuves illégalement obtenues et son exception .............................................................18

 

Italie...................................................................................................................................................19

Luxembourg .....................................................................................................................................20

L’utilisation dans le cadre de poursuites pénales de la preuve illégalement recueillie..................................20

 

Espagne .............................................................................................................................................24

L’utilisation dans le cadre de poursuites pénales de la preuve illégalement recueillie..................................24

 

Belgique

L’utilisation dans le cadre de poursuites pénales de la preuve illégalement recueillie

En droit belge, le principe est celui de la liberté de la preuve pénale

19 : explicitement formulée à

l’article 342 du Code d’instruction criminelle qui régit la procédure portée devant la cour d’assises, la

règle s’applique devant toutes les juridictions pénales ; elle implique que le juge pénal devra apprécier

la valeur de toute preuve portée devant lui, sans limitation quant au type de preuve dont il s’agit

20.

La règle dite de l’exclusion des preuves irrégulièrement obtenues constitue une exception à ce principe

de liberté

21. Selon un arrêt de la Cour de cassation du 4 janvier 1994 – mais cet arrêt ne fait que

confirmer une règle bien établie depuis 1923 –: “Le juge ne peut déclarer établie une infraction, si la

preuve en a été obtenue à la suite d’un fait punissable ou d’une autre manière irrégulière, soit de la part

de l’autorité chargée de la recherche, de la constatation ou des poursuites en matière d’infraction, soit

de la part du dénonciateur de l’infraction; dans ce cas, le juge pénal ne peut déclarer établi le fait mis à

charge du prévenu, sauf si la preuve de l’infraction est apportée par d’autres éléments de preuve qui ne

se déduisent ni directement ni indirectement de la preuve obtenue irrégulièrement”

22. Il appartient

donc au juge de vérifier que la preuve de l’infraction a été régulièrement établie, ce qui suppose que

les autorités chargées de l’enquête ne dissimulent pas au magistrat les circonstances dans lesquelles tel

indice a été recueilli, empêchant ainsi le magistrat d’exercer son contrôle

23.

Devra en particulier être exclue la preuve recueillie en violation du droit au respect de la vie privée ou

du droit de chacun à ne pas contribuer à sa propre incrimination, c’est-à-dire du “droit au silence”

reconnu à l’accusé en matière pénale. L’on notera que le droit au silence exclut non seulement l’aveu

donné sous la menace de sanctions pénales, mais également le recours à des techniques qui, telles la

narco-analyse ou l’hypnose, privent l’accusé de la maîtrise des informations qu’il peut livrer à

l’extérieur.

La preuve illégalement recueillie doit être écartée des débats. Elle ne peut servir à fonder une

condamnation pénale. Cependant, cela n’exclut pas que le juge pénal prononce une telle

condamnation, après avoir constaté que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis, sur la base

d’autres éléments de preuve, non viciés par l’irrégularité qui a été constatée, et pour autant que ces

éléments aient bien été soumis à la libre discussion des parties, ainsi que le requiert le principe du

contradictoire. Selon la Cour de cassation de Belgique, l’illégalité qui vicie un élément de preuve ne

porte atteinte de manière irréparable au droit de la défense et au droit à un procès équitable que

“lorsque la confusion entre les actes d’instruction et la preuve illégale est telle que les actes

19

Voy. par ex. Cass., 6 mai 1946, Pas., I, p. 171; Cass., 13 septembre 1965, Pas., 1966, I, p. 59; Cass., 27 novembre 1979,

Pas., 1980, I, p. 388.

20

L’article 154 du Code d’instruction criminelle ne propose qu’une énumération, non limitative, des modalités de preuve de

l’infraction pénale.

21

Pour des présentations générales, voy. H.-D. Bosly et D. Vandermeersch, Droit de la procédure pénale, 2ième éd., La Charte,

2001, pp. 919-926; A. De Nauw, “Les règles d’exclusion relatives à la preuve en procédure pénale belge”,

Rev. dr. pén.

crim.

, 1990, p. 714; Ph. Traest, “De rol van de particulier in het bewijsrecht in strafzaken : naar een relativering van de

uitsluiting van onrechtmatig verkregen bewijs ?”,

Liber amicorum Jean du Jardin, Antwerpen, Kluwer, 2001, p. 61.

22

Cass., 4 janvier 1994, Rev. dr. pén. crim., 1994, p. 80, concl. de l’Avocat général J. du Jardin. Beaucoup d’autres arrêts

vont dans le même sens, par ex. Cass., 13 mai 1986,

Rev. dr. pén. crim., 1986, p. 905, concl. de l’Av. gén. J. du Jardin;

Cass., 17 janvier 1990, Pas., 1990, I, n° 311 et 17 avril 1991,

Rev. dr. pén. crim.., 1992, 94, note Ch. De Valkeneer, “De

l’illégalité commise par un tiers dans l’administration de la preuve”, p. 104.

23

Mons (ch. mises en acc.), 19 novembre 1998, Rev. dr. pén. crim., 1999, p. 239, note J. Sace, J.T., 1999, p. 66, note O.

Klees et D. Vandermeersch.

OPINION N 3 .30 NOVEMBER 2003

 

d’instruction se trouvent entachés de la même illégalité et que tant l’instruction que l’action publique

sont fondées sur celle-ci”

24.

Jusqu’à l’adoption d’une loi du 4 juillet 2001 complétant le Code d’instruction criminelle, la

jurisprudence admettait que, malgré le principe de l’exclusion des preuves illégalement recueillies, le

prévenu pouvait néanmoins utiliser pour sa défense les pièces écartées des débats, qui continuaient de

figurer matériellement dans le dossier

25. La loi du 4 juillet 2001 a complété les articles 131 § 2 et

235bis § 6 du Code d’instruction criminelle en précisant, à l’encontre de cette jurisprudence, que “Les

pièces déposées au greffe ne peuvent pas être consultées, et ne peuvent pas être utilisées dans la

procédure pénale”. Dans un arrêt n°86/2002 du 8 mai 2002, la Cour d’arbitrage a considéré que

l’interdiction absolue et générale pour le prévenu d’utiliser des pièces annulées par une juridiction

d’instruction, “même lorsqu’elles contiennent des éléments qui peuvent être indispensables à la

défense d’une partie”, aboutit à une violation des principes constitutionnels d’égalité et de nondiscrimination,

“lus à la lumière du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense”. Les adjonctions précitées faites par la loi du 4 juillet 2001 au Code d’instruction criminelle

ont donc été annulées. Selon la jurisprudence postérieure de la Cour de cassation, il s’impose

néanmoins au juge de déterminer la mesure dans laquelle le respect dû aux droits de la défense

requiert la possibilité pour une partie d’utiliser des pièces écartées des débats, en veillant aux droits

des autres parties : si le droit de la défense ne saurait être nié, comme il pourrait l’être si l’exclusion

des pièces était complète même lorsqu’elles peuvent servir la défense de l’accusé, ce droit n’est pas

non plus absolu, mais doit être mis en balance avec les droits des autres parties à la procédure pénale

26.

La preuve illégalement recueillie par une personne privée

Bien qu’en principe, l’exclusion de la preuve irrégulière soit exclue, la Cour de cassation de Belgique

admet, depuis des arrêts de 1990 et 1991, que de telles preuves peuvent être produites en justice

lorsque, d’une part, les agents de l’autorité n’ont eux-mêmes commis aucune irrégularité et lorsque,

d’autre part, il n’existe aucun lien entre l’irrégularité commise par un tiers et la communication de la

preuve aux enquêteurs

27. Dès lors, “la circonstance que le dénonciateur d’une infraction en a eu

connaissance en raison d’une illégalité n’affecte pas la régularité de la preuve obtenue ultérieurement

sans illégalité”

28. Si le juge doit en effet écarter la preuve de l’infraction lorsque cette preuve “a été

obtenue illégalement soit par les autorités en charge de l’enquête, des constatations ou des poursuites,

soit par le dénonciateur de cette infraction, par un fait punissable ou d’une autre manière”

29, en

revanche peut être produite en justice la preuve qui est issue d’une illégalité pourvu que cette illégalité

n’ait pas été commise, par l’autorité ou par le dénonciateur, en vue d’établir l’infraction, mais a été le

fait d’un tiers et est ensuite tombée régulièrement entre les mains du dénonciation ou de l’autorité.

Dans un arrêt du 27 juin 2003, la cour d’appel de Liège résume cet enseignement en soulignant que “le

juge ne peut déclarer une infraction établie si la preuve en a été obtenue à la suite d’un fait punissable

ou d’une autre manière irrégulière, soit de la part de l’autorité chargée de la recherche, de la

constatation ou des poursuites en matière d’infraction, soit de la part du dénonciateur de l’infraction”;

mais que “toutefois, le juge peut refuser d’écarter une preuve recueillie à la suite d’un acte illicite

lorsque le tiers, par l’intermédiaire de qui cette preuve parvient aux enquêteurs, est lui-même étranger

à tout acte illicite”

30.

24

Cass., 14 décembre 1999, Pas., 1999, I, n° 678.

25

Cass., 20 janvier 1999, Pas., 1999, I, n°31.

26

Cass., 18 février 2003, e.c. Vercauteren (P.02.0913.N). Sur ces développements récents, voy. J. du Jardin, “Le droit de

défense dans la jurisprudence de la Cour de cassation (1990-2003)”,

J.T., 2003, p. 609.

27

Cass., 17 janvier 1990, Arr. Cass., 1989-1990, n°310; R.W., 1990-1991, p. 463, note L. Huybrechts. Egalement Cass., 17

avril 1991, Pas., 1991, I, p. 736; R.W., 1991-1992, p. 403, note A. Vandeplas. Ces références et les autres références de ce

paragraphe sont empruntées à O. Leroux et Y. Poullet, “En marge de l’affaire Gaia : de la recevabilité de la preuve pénale et

du respect de la vie privée”,

R.G.D.C., 2003.

28

Cass., 30 mai 1995, J.L.M.B., 1998, p. 488, note F. Kuty.

29

Cass., 27 février 2002, http://www.cass.be.

30

Liège(6ième ch.), 27 juin 2003, e. c. Ministère public et autres c. De Craene et autres (affaire “GAIA”), n° 528/03.

L’attendu est en réalité superflu dans le raisonnement de la cour d’appel. Celle-ci considère, dans cette affaire où était en

France

Le principe est celui de la liberté de la preuve en matière pénale. L’article 427 du Code de procédure

pénale prévoit que : “Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies

par tout moyen de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa

décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées

devant lui”. Dès lors, il n’est pas permis au juge d’écarter tel élément de preuve uniquement au motif

qu’elle aurait été irrégulièrement obtenue, pourvu que cet élément ait pu faire l’objet d’un débat

contradictoire devant le juge quant à sa valeur probante

36. Cette règle vaut, notamment, lorsque la

partie civile poursuivante a recueilli un élément de preuve de manière illicite, par exemple en violation

de la protection de la vie privée que garantit l’article 9 du Code civil ou en commettant l’infraction

d’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui que prévoit l’article 226-1 du Code pénal. Par contre, la

jurisprudence considère que la règle de la libre appréciation des preuves portées devant le juge afin

qu’il se forge son intime conviction ne va pas jusqu’à permettre de prendre appui sur des actes

policiers ou judiciaires qui sont réglementés. Ainsi, ne saurait être admis l’enregistrement effectué de

manière clandestine, par un policier agissant dans l’exercice de ses fonctions, des propos qui lui sont

tenus, fût-ce spontanément, par une personne suspecte, la jurisprudence considérant que pareil procédé

élude les règles de procédure et compromet les droits de la défense

37. 

36

Voy. Cass. (crim.), 30 mars 1999, Bull n° 59 (“la circonstance que des documents ou des enregistrements remis par une

partie ou un témoin aient été obtenus par des procédés déloyaux ne permet pas au juge d’instruction de refuser de les joindre

à la procédure dès lors qu’ils ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement”).

37

Cass. (crim.), 16 décembre 1997, Bull n° 42.

EU NETWORK OF INDEPENDENT EXPERTS ON FUNDAMENTAL RIGHTS

CFR-CDF.opinion3-2003 16

Grèce

Régime juridique des preuves recueillies en violation des règles relatives à la protection de la vie

privée.

a) En droit grec, le régime juridique des preuves recueillies en violation des règles relatives à la

protection de la vie privée est fixé, en premier lieu, par la Constitution. Le paragraphe 3 de l'article 19

de la Constitution, adopté lors de la révision constitutionnelle de 2001 prévoit que "l'utilisation des

preuves obtenues en violation du présent article [protection de secret de la correspondance et des

communications en général], ainsi que des articles 9 [protection de la vie privée, de la vie familiale et

 

 

du domicile] et 9A [protection des données personnelles] est prohibée". Il est généralement admis que

cette interdiction est directement et immédiatement applicable et qu'elle couvre toutes les procédures

judiciaires et administratives, même en l'absence de normes législatives la concrétisant. Par

conséquent, les preuves recueillies en violation des règles protégeant la vie privée doivent être écartées

comme irrecevables

38, sous peine de nullité absolue de la procédure pénale en cas d'utilisation par le

juge

39. Ceci est valable quel que soit l'auteur de la violation (une autorité publique ou une personne

privée). Cependant, une partie de la doctrine soutient que ladite disposition constitutionnelle n'interdit

pas, dans certains cas, l'utilisation de preuves illégalement obtenues pour établir l'innocence de

l'accusé

40.

En vertu de l'art. 19 par. 1 de la Constitution, "la loi fixe les garanties sous lesquelles l'autorité

judiciaire n'est pas liée par le secret pour des raisons de sécurité nationale ou en vue de la constatation

de délits particulièrement graves". A l'évidence, les preuves obtenues conformément à ladite

restriction apportée au droit au secret de la communication et à la procédure fixée par la législation y

relative, ne sont pas "illégales" et leur utilisation devant le juge pénal n'est pas interdite par le nouveau

par. 3 de l'art. 19

41.

Prise compte des preuves recueillies par le moyen d'actes punissables par la loi pour la déclaration de

culpabilité

b) L'art. 177 par. 2 du Code de procédure pénale dispose que les preuves recueillies par le moyen

d'actes punissables par la loi ne sont pas prises en compte pour la déclaration de culpabilité,

l'imposition de la peine ou l'adoption de mesures de coercition. Cette disposition n'exclut pas,

a

contrario

, que lesdites preuves puissent être utilisées pour innocenter l'accusé. Cependant, selon la

même disposition, pareilles preuves peuvent être prises en considération, suite à une décision du

tribunal dûment motivée sur ce point, lorsqu'il s'agit de crimes passibles de la réclusion à la vie

42. Dans

ce cas de figure, des preuves illégalement recueillies sont recevables même si elles vont à l'encontre de

l'accusé. Evidemment, les autres principes découlant du droit à un procès équitable (droits de la

défense, principe du contradictoire, etc.) restent applicables. La jurisprudence ne s'est pas encore

prononcée sur la constitutionnalité de cette disposition, suite à l'adoption de l'art. 19 par. 3 de la

Constitution.

Les atteintes à la vie privée commises par les personnes privées

c) L'art. 370A du Code pénal punit l'interception illicite de correspondances téléphoniques ou de

communications orales ou l'enregistrement illicite d'images (par. 1 et 2), ainsi que l'utilisation des

informations et des enregistrements obtenus par ces moyens (par. 3). Cette disposition couvre

également les atteintes à la vie privée commises par des personnes privées. Selon le par. 4 dudit article

(tel qu'amendé par l'art. 6 par. 8 de la loi no 3090/2002, visant, suite à la révision constitutionnelle, à

limiter les cas dans lesquels la violation du secret de la correspondance téléphonique et des

conversations orales n'est pas punie), l'utilisation d'informations ou d'enregistrements obtenus

38

Voir les ordonnances 83-84/2003 du Procureur de Thessalonique, Poinika Xronika, 2003, p. 274.

39

Voir Aristotelis Charalambakis, La punissabilité des écoutes téléphoniques et le statut, du point de vue procédural, de leur

produit,

Nomiko Vima, 6/2002, pp. 1061-1072, p. 1072.

40

Voir Julia Iliopoulou-Stranga, “L'utilisation des moyens de preuve illégalement obtenus pour innocenter l'accusé après la

révision (2001) de la Constitution”,

Poinikos Logos 6/2002, pp. 2175-2220. Voir également les ordonnances précitées du

Procureur de Thessalonique, ainsi que l'arrêt no 1351/1997 de la Cour de cassation, rendu avant la révision de la Constitution.

41

La loi 2225/1994 précise que le contenu de la correspondance ou de la communication obtenu suite à la levée du secret ne

peut pas être utilisé ou pris en considération, sous peine de nullité, comme moyen de preuve à une procédure autre que celle

pour laquelle le secret a été levé, dans un but différent de celui fixé par la décision autorisant la levée du secret. Cependant,

l'autorité compétente pour lever le secret peut autoriser, par décision dûment motivée, l'utilisation ou la prise en

considération des éléments de preuve susmentionnés, notamment lorsqu'il s'agit de la défense de l'accusé dans un procès

pénal pour crime ou délit. Ajoutons encore que la loi 3115/2003, récemment adoptée, punit la violation du secret des

communications et institue une Autorité indépendante pour la sauvegarde du secret des communications, mais ne contient pas

de règles concernant l'utilisation des preuves ainsi recueillies.

42

Signalons que l'Autorité indépendante pour la protection des données personnelles, dans son Avis 83/2002, a proposé la

suppression de cette exception.

 

illégalement (c'est-à-dire en violation des paragraphes 1 et 2) n'est pas punissable lorsqu'elle a été faite

devant une autorité judiciaire ou d'investigation pour la sauvegarde d'un intérêt légitime qui ne pouvait

pas être sauvegardé d'une autre manière

43. Ce motif d'exonération ne concerne pas l'auteur ou

l'instigateur, mais seulement les tiers

44 et, selon une partie de la doctrine, ne lève pas la sanction de

nullité frappant les preuves obtenues en violation de l'art. 19 par. 3 de la Constitution

45. Cependant,

certains arrêts, rendus avant la révision de la Constitution, semblent admettre que des preuves,

illégalement obtenues mais couvertes par le par. 4 de l'art. 370A du Code pénal, sont recevables

46.

L'irrecevabilité des preuves illégalement obtenues et son exception

d) L'irrecevabilité des preuves illégalement obtenues a été affirmée, à plusieurs reprises, par la

jurisprudence

47. Cependant, la Cour de cassation a jugé, dans une affaire civile, qu'une exception à la

règle constitutionnelle de l'interdiction de preuves illégales pourrait être admise uniquement lorsqu'il

s'agit de protéger des intérêts supérieurs reconnus par la Constitution, comme le droit à la vie

48. Cette

jurisprudence pourrait s'appliquer également au pénal, dans des cas exceptionnels (comme, par

exemple, l'établissement de l'innocence de l'accusé). Les tribunaux n'ont pas encore eu l'occasion

d'interpréter le nouvel art. 19 par. 3 de la Constitution. On peut, néanmoins, citer une décision de la

Cour de cassation qui a interprété de manière restrictive la notion de "vie privée" pour affirmer la

recevabilité, en tant que preuves, de vidéocassettes contenant des images prises par une caméra

cachée

49.

43

Il est à noter que l'Autorité indépendante pour la protection des données personnelles, dans son Avis 83/2002 précité, a

proposé le remplacement de ce paragraphe par une disposition interdisant expressément l'utilisation des preuves produites en

violation des paragraphes 1 et 2 de l'article 370A.

44

Cour de cassation, arrêt no 1709/1995.

45

Voir Julia Iliopoulou-Stranga, “L'utilisation des moyens de preuve illégalement obtenus pour innocenter l'accusé après la

révision (2001) de la Constitution”, op. cit., p. 2198.

46

Cour de cassation, arrêts nos 1060/1997, 1351/1997.

47

Voir, parmi d'autres, Cour de cassation, arrêts nos 589/1994, 215/2000.

48

Cour de cassation, arrêt no 1/2001.

49

Décision no 1317/2001 de la Cour de cassation, citée in: Julia Iliopoulou-Stranga, L'utilisation…, op. cit. (note 7), p. 2200.

OPINION N 3 .30 NOVEMBER 2003

CFR-CDF.opinion3-2003 19

Italie

L'article 191 du code de procédure pénale régit l'admissibilité des preuves dans le procès pénal italien.

Aux termes de cette disposition,

« 1. Les preuves recueillies en violation des interdictions prévues par la loi ne peuvent pas être utilisées. 2.

L'impossibilité d'utilisation peut être vérifiée, même d'office, en tout état et instance du procès. »

En ce qui concerne les écoutes de conversations ou de communications, l'article 271 du code de

procédure pénale prévoit que :

« 1. Les résultats des écoutes ne peuvent pas être utilisés si les écoutes ont été réalisées en dehors des cas

autorisés par la loi ou si les dispositions des articles 267 [définissant les conditions et formes de

l'autorisation] et 268, paragraphes 1 et 3 [modalités d'exécution des opérations] n'ont pas été respectés. 2.

Les écoutes des conversations ou des communications des personnes indiquées à l'article 200, paragraphe 1

[personnes liées par le secret professionnel], ne peuvent pas être utilisées si elles ont pour objet des faits

connus en raison de leur ministère, office ou profession, sauf si les mêmes personnes ont témoigné sur ces

faits ou s'ils les ont diffusé d'une autre manière. 3. Dans tout état et instance du procès, le juge dispose que la

documentation des écoutes prévues par les paragraphes 1 et 2 soit détruite, sauf si elle constitue l'objet du

délit. »

 

Selon l'article 267 du code de procédure pénale, les écoutes doivent être autorisées par le juge des

enquêtes préliminaires. Seulement dans des cas urgents, le ministère public peut disposer lui-même de

l'exécution des écoutes. Toutefois, le juge doit valider le décret du ministère public dans un délai de 48

heures. Conformément à l'article 268 du code de procédure pénale, les écoutes peuvent être réalisées

seulement à travers les installations présentes dans les bureaux du Parquet ou, dans des cas

exceptionnels, à travers des installations du service public ou de la police judiciaire. S'il s'agit

d'écoutes de communications par le moyen informatique, les opérations peuvent être également

menées en utilisant des installations privées.

Luxembourg

L’utilisation dans le cadre de poursuites pénales de la preuve illégalement recueillie

Une preuve recueillie en violation des règles relatives à la protection de la vie privée est écartée par la

jurisprudence comme étant irrecevable

50. Il résulte de la jurisprudence luxembourgeoise que

l’irrégularité peut avoir pour origine une violation de la Convention européenne des droits de

l’homme. Et la personne à l’origine de cette violation peut même être une personne privée. D’après un

arrêt de la Cour d’appel du 10 juillet 1992, des enregistrements vidéo et par bandes magnétiques

réalisés par un employeur privé à l’insu d’une des ses employées sur son lieu de travail, doivent être

écartés. En l’espèce, la Cour a écarté les preuves destinées à convaincre l’employée de vol

domestique, mais obtenues en violation de l’article 8 de la Convention

51. La jurisprudence

luxembourgeoise a tendance à appliquer la Convention directement entre personnes privées.

Une preuve irrégulière, voire illégale alors qu’elle a été recueillie en violation de la Convention

européenne des droits de l’homme, est irrecevable et elle est écartée des débats. La jurisprudence

luxembourgeoise constante applique cette règle, même si la preuve est irrégulière seulement au regard

des principes généraux de droit

52. Il va sans dire qu’en vertu du principe de la liberté des preuves en

matière pénale, une condamnation peut se baser sur d’autres éléments de preuve du dossier

53.

50

D. Spielmann et A. Spielmann, Droit pénal général luxembourgeois, Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 169 et suiv..

51

C.S.J. (appel corr.), 10 juillet 1992, Ann. Conv., 1992, 461. Voy. aussi, en matière civile, l’irrecevabilité d’une preuve

obtenue en violation de l’article 8 de la Convention, Trib. arr. Luxembourg, 6 avril 2000,

Rev. trim. dr. h., 2000, 860, note D.

Spielmann : “Effet horizontal de la Convention européenne des droits de l’homme et preuve civile”.

52

Par exemple, a ainsi été écartée une preuve obtenue dans une affaire pénale par une personne privée, citante directe, par un

subterfuge, voire une astuce (Trib. arr. Luxembourg, (corr.), 15 février 1995, n° 354/95, non publié, confirmé par C.S.J.

(appel corr.), 14 novembre 1995, n° 491/95 V, non publié).

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D. Spielmann et A. Spielmann, op. cit., pp. 160 et suiv..

Espagne

L’utilisation dans le cadre de poursuites pénales de la preuve illégalement recueillie

La Loi Organique 6/1985, du 1er. Juillet, du Pouvoir Judiciaire, dispose que "Les preuves obtenues,

directe ou indirectement, en violation des droits ou libertés fondamentales, ne pourront produire des

effets juridiques" (art. 11.1).

Le Tribunal Constitutionnel, ultime interprète de la Constitution, a adopté la théorie de la nullité des

preuves obtenues illicitement : les preuves obtenues en violation des droits fondamentaux, la vie

privée y comprise, seront irrecevables. Les preuves dérivées de celles qu'on été obtenues en violation

des droits fondamentaux sont frappées de la même sanction d’irrecevabilité. Pratiquement toute la

jurisprudence constitutionnelle adopte cette position de principe. Parmi les exemples récents, on peut

signaler les arrêts 123/2002 (du 20 mai 2002), 167/2002 (du 18 septembre 2002) ou 205/2002 (du 11

novembre 2002), décisions qui concernent toutes différents aspects du droit au respect de la vie privée.

Cela dit, le Tribunal Constitutionnel n'écarte pas radicalement que des effets juridiques puissent être

reconnus aux preuves présentant des problèmes de licité par rapport au respect des droits

fondamentaux, notamment le droit au respect de la vie privée, le droit au respect du domicile et le droit

au secret des communications. En particulier, l’existence de preuves irrégulièrement obtenues ou

dérivées de preuves irrégulièrement obtenues, n’exclut pas qu’une décision de culpabilité pénale soit

prononcée, pourvu que la condamnation ne se fonde pas exclusivement sur ces preuves mais soit

corroborée par d’autres éléments de preuves, quant à eux réguliers.